Aubervilliers : l’une des 20 villes dont les habitants ont les revenus les moins élevés en France. Et pourtant, les habitants ne baissent pas les bras. L’École des Actes, créée en 2016 dans la foulée des attentats, est l’une des initiatives imaginées pour proposer des solutions d’insertion aux jeunes déscolarisés, étrangers, migrants ou travailleurs précarisés de la ville.
Aujourd’hui, 200 jeunes sont inscrits à l’École et suivent un cursus basé sur un modèle pédagogique mêlant art théâtral, sciences humaines et expériences professionnelles. Des cours d’alphabétisation sont également dispensés.
L’an dernier, dix jeunes de l’École ont décidé, sous la houlette d’Émilie Hériteau, dramaturge au Centre dramatique national de la Commune d’Aubervilliers, de monter un spectacle et de le jouer en public. Au programme : une pièce tirée du texte Sur la Grand’Route de Tchekhov, montée en trois semaines de répétitions.
Résultat : une salle comble et une immense fierté pour les jeunes.
200
jeunes bénéficiaires (migrants, demandeurs d’asile, jeunes déscolarisés…)
10
jeunes ont créé le spectacle tiré de la pièce de Tchekhov
Émilie Hériteau, dramaturge au Centre national d’Aubervilliers
Metteuse en scène du spectacle inspiré de la pièce Sur la Grand’route de Tchekhov, réalisé avec dix jeunes de l’École des Actes
En quoi favoriser l’accès à la culture pour tous est-il aujourd’hui une priorité ?
Je préfère parler de partage de la pratique artistique que d’accès à la culture pour tous. L’accès à la culture évoque en effet l’idée de transmission patrimoniale, qui n’est pas toujours garante d’égalité. Avec la pratique artistique, il s’agit d’inventer ensemble de nouvelles formes, cela met tout le monde sur un pied d’égalité. Les barrières sociales s’effacent.
Mettre en scène Tchekhov avec des jeunes en situation d’exclusion, n’est-ce pas compliqué ?
Parmi les dix comédiens, il y avait des réfugiés, des demandeurs d’asile, beaucoup de meurtris de la vie. Le texte de Tchekhov m’a beaucoup aidée au démarrage. L’histoire de ces parias russes coincés par un orage avait beau être aux antipodes des repères culturels de la troupe, elle a p arlé au coeur de chacun. Les comédiens ont été poursuivis par le texte, qui faisait écho à leur propre histoire.
De mon côté, j’ai décidé de me laisser surprendre par la dynamique du groupe, d’accueillir leurs propositions sans préjugés. Au final, c’était merveilleux de voir comment chaque comédien a appris à s e faire confiance, mais aussi à s’appuyer sur les autres.
Diriez-vous que cette expérience de théâtre a transformé les jeunes ?
Une chose est sûre : ils ont appris à miser sur l’intelligence collective. Et certains ont attrapé le virus du théâtre. Aminata veut transmettre sa passion et anime aujourd’hui des ateliers au sein de l’École des Actes. L’un des comédiens travaille sur un projet autour de Bernard-Marie Koltès à Marseille.