VILLAGES SOLAIRES POUR VILLAGES SOLITAIRES

Aucun défi n’est impossible à relever quand il s’agit de donner accès à l’énergie pour tous, surtout quand il s’agit de villages isolés et impactés par les conséquences du réchauffement clima- tique. C’est le cas des villages aux abords du Brahmapoutre, du Gange ou du Meghna où de nom- breux habitants vivent sur des « Chars », des îles éphémères régulièrement inondées ou détruites par les tempêtes. Ces conditions géographiques et climatiques ne permettant pas un raccordement réseau sécurisé, la Fondation ENGIE en partenariat avec l’ONG Friendship fondée par Runa Khan ont eu l’idée de créer un village solaire.

C’est sur l’île de Goynar Potol qu’il a été installé car cette île ne risque pas de disparaitre dans les 10 à 20 prochaines années malgré le passage du cyclone Amphan en mai 2020 et les inondations de juin et août 2020 qui ont créé une crise sanitaire.

Pour se faire, les bénévoles d’Energy Assistance France ont apporté leur expertise pour déterminer quel système utiliser pour un modèle économique optimal. Le mini-grid a ensuite été installé en se composant de panneaux et de batteries reliés à près de 150 ménages, un marché local de 22 commerçants et une école primaire. Désormais, ce sont près de 3000 habitants qui vivent en sécu- rité, gardent leurs boutiques ouvertes le soir ou encore étudient grâce à des leçons diffusées à la télévision. Dans les 150 ménages bénéficiaires, ce sont 6 lampes, 2 ventilateurs, un téléviseur et un chargeur de téléphone qui ont été installés. De quoi faire de leur Char un village idéal : l’ensemble des habitants de Goynar Potol ont manifesté leur joie lors de l’installation et des villages voisins ont indiqué être aussi intéressés par des installations similaires.

Cette première expérience pionnière dans la région des Chars du Bangladesh est attentivement étudiée afin de déterminer son taux de réussite et, si les résultats sont positifs, être étendue à d’autres îles de Brahmapoutre en partenariat avec le gouvernement du pays. Le projet de village solaire de l’île de Goynar Potol (district de Kurigram) s’inscrit ainsi dans un partenariat sur le long terme qui a déjà apporté l’électricité à 256 000 habitants des îles du Brahmapoutre, pour le bien- être des habitants et la dynamisation territoriale.

RENCONTRE AVEC LA FONDATRICE

Vision, détermination et inspiration, voilà les maitres-mots de RUNA KAHN, la fondatrice de l’ONG Friendship dont la Fondation ENGIE fête en 2021 les dix ans de partenariat. Depuis maintenant 10 ans, c’est sous le signe de l’innovation que Friendship et la Fondation ENGIE viennent en aide aux communautés déshéritées et oubliées du Brahmapoutre. Et le village solaire pilote de Goynar Potol en est un des aboutissements majeurs. Runa Kahn a expliqué d’elle-même pourquoi et pour qui elle a créé Friendship.

– Pourquoi avez-vous créé Friendship ?

En 2002, je naviguais beaucoup sur les fleuves du Bangladesh, et j’ai découvert des régions totalement isolées, des communautés qui n’avaient accès à aucun service de base. Et ce n’étaient pas des milliers de personnes, mais des millions ! Trois des plus grands fleuves du monde : le Brahmapoutre, le Gange et le Meghna traversent cette terre de limon. Ils façonnent la terre en permanence, créant et détruisant des îles. Les maisons sont perdues, des vies sont perdues, les familles n’ont accès à aucun service essentiel. Et j’ai réalisé que vraiment ce que je voulais faire était d’apporter des services de base à ces gens.

– Quels ont été les premiers projets déployés avec la Fondation ENGIE ?

J’ai commencé les premiers navires-hôpitaux au Bangladesh parce que les soins de santé étaient les plus essentiels, mais ce n’était pas suffisant. Très vite, j’ai compris que l’électricité était cruciale. J’ai cherché un partenaire et j’ai rencontré la Fondation ENGIE, grâce à Yann Arthus-Bertrand. Nous avons commencé par une première initiative : donner des systèmes solaires domestiques aux communautés qui n’avaient pas accès à l’électricité. Nous avons travaillé main dans la main avec les bénévoles de Energy Assistance France – l’ONG interne du groupe ENGIE – qui nous a aidé à définir les modalités techniques compatibles avec le terrain, sachant qu’elles sont nombreuses sur ces îles sablonneuses ! Avec eux, nous avons aussi travaillé au modèle économique, afin que le coût soit abordable pour les familles. Aujourd’hui, 3 200 ménages ont accès à l’énergie grâce au « Solar Home Systems ».

– Au bout de dix ans, quel bilan tirez-vous de ce partenariat ?

Avec les Solar Home Systems, nous avons en quelque sorte initié une révolution sociale dans la région. La sécurité a augmenté. Grâce aux éclairages, les vaches et chèvres ne sont plus volées la nuit. Les magasins restent ouverts après la tombée de la nuit et les enfants continuent d’étudier. Puis, nous sommes allés plus loin. Nous avons commencé à utiliser une grande partie de l’énergie solaire pour certaines de nos cliniques.

Et la révolution est arrivée quand nous avons commencé à utiliser l’électricité pour nos écoles. Avant, les élèves des îles étaient obligés d’arrêter leurs études après le primaire, les parents n’ayant pas les moyens de les envoyer sur le continent. Grâce aux Solar Home Systems, nous avons mis en place un enseignement à distance. Les collégiens et lycéens suivent les cours depuis leur ordina- teur chargés grâce aux micro-grids… et les résultats sont au rendez-vous : le taux de réussite aux examens est de 98% ! Le partenariat avec la Fondation ENGIE nous a apporté des choses qui vont au-delà du succès d’un projet.

Il a créé des changements de vie, non seulement parmi les 3 000 ménages que nous avons touchés, mais il a créé tout un système de changement dans les communautés qui sont les plus vulnérables, les plus touchées par le climat, les communautés les plus difficiles à atteindre et oubliées, certaines des communautés les plus oubliées de cette planète. Il a apporté l’innovation, il a apporté le succès de belles histoires pour les organisations qui ont fait partie de celui-ci, pour la Fondation ENGIE, pour Friendship. Mais pour les communautés dont les vies ont été transformées par ce projet, elles ont aussi apporté de l’aide et de l’espoir aux plus désespérés de cette planète.

LES PST, ACTEURS MAJEURS SUR LE TERRAIN

Les Para-Solar Technicians (PST), en charge des installations et de la maintenance des pro- grammes électriques, sont devenus bien plus que des professionnels des systèmes électriques. Ils sont devenus de véritables agents de liaison, de sensibilisation et de générosité pendant la pan- démie Covid-19, si bien que plus de 75 000 personnes ont été sensibilisées à la prévention et aux mesures d’hygiène liées à la Covid-19. Les PST ont également encouragé, participé et accompagné de nombreux autres projets :
– Les PST ont aussi encouragé leurs communautés respectives à la culture de légumes, devant leur maison ou sur des terres inutilisées, afin de prévenir les pénuries alimentaires liées à la restric- tion des déplacements.
– Les PST ont permis d’identifier 568 personnes les plus pauvres et vulnérables de leurs commu- nautés qu’ils ont mis en contact avec les autorités locales, des personnes, groupes ou organisa- tions actives dans l’aide d’urgence pour recevoir une aide financière équivalente à un montant total d’environ 539 600 BDT (environ 5 400 €).
– Les PST ont entretenu gratuitement 2 500 SHS en 2020 durant la pandémie Covid-19.
– Plus de 42 500 personnes ont été informées de l’arrivée du cyclone Amphan par les PST qui ont permis de démonter en toute sécurité et réinstaller rapidement 380 SHS.
– Depuis le début des inondations de juin 2020, les PST ont participé au démantèlement des SHS dans 122 foyers et à leur réinstallation en lieu sûr.
– Les PST ont apporté leur soutien à 185 ménages touchés par les inondations.

TÉMOIGNAGE

L’histoire de Sri Hira Lal, d’assistant coiffeur sur les marchés à chef d’entreprise et propriétaire terrien

« Originaire du Char de Paglar dans le district de Gaibandha (Nord), mon père gagnait un maigre revenu en tant que coiffeur, allant de maison en maison et sur le marché avec ses ciseaux. Il gagnait très peu d’argent, et notre famille était donc en difficulté. Lorsque le nombre de personnes dans notre famille a augmenté, notre souffrance a doublé. Ne trouvant pas d’autre solution, je suis allé au marché avec mon père et j’ai commencé à travailler moi-même comme coiffeur.

Plus tard, j’ai appris que Friendship proposait des systèmes électriques à énergie solaire. J’ai emprunté 2 000 taka (environ 20 €) à quelques personnes et j’ai contacté le responsable de Friendship en 2012. J’ai ainsi acheté un système solaire domestique de 20 watts avec des versements de 260 taka par mois pour un total de 13 915 taka.

J’ai donc installé des lampes à énergie solaire dans mon salon de coiffure. Je pouvais ainsi continuer à travailler jusqu’à 22 heures le soir et gagner le double de ce que je gagnais auparavant. Peu après, ma famille a commencé à bien se porter grâce à ce revenu supplémentaire, et j’ai pu m’occuper de mes deux frères et sœurs et les aider dans leurs études et j’ai fait en sorte qu’ils soient admis dans l’école Friendship. Ensuite, deux autres de mes frères ont commencé à travailler avec moi et nous avons tous contribué aux revenus du ménage. L’un d’entre nous a poursuivi ses études et a même obtenu un diplôme qui lui a permis de trouver un emploi dans la police du Bangladesh. Maintenant que notre famille se porte bien, je peux envoyer ma jeune sœur dans une bonne école. Récemment, j’ai acheté 150 ares de terre avec les revenus de mon entreprise. J’ai suivi les conseils et la formation technique de l’équipe Sustainable Economic Development de Friendship et le rendement de mes cultures a augmenté. Maintenant que nous avons un revenu décent et des terres, notre famille est bien acceptée et intégrée dans la société.

Actuellement, je suis très heureux de vivre en paix. Tous les membres de ma famille apprécient beaucoup Friendship pour tous ses conseils et son soutien. »

Une belle trajectoire

Md. Yousuf Ali est un homme de 30 ans, vivant dans le village de Hajipur, dans la région de Patuakhali, sur les rives d’une rivière dans la région côtière du Sud du Bangladesh. Yousuf est marié et a deux filles mais étant sans emploi, son père était son seul soutien économique. Cette situation le déprimait car il ne pouvait pas pourvoir aux besoins de sa famille.
Cela a radicalement changé lorsque Yousuf a eu l’occasion de participer à la formation de technicien para-solaire de Friendship du 24 au 26 février 2020. Après avoir terminé la formation, il a reçu une boîte à outils et d’autres équipements comme des ampoules LED, des chargeurs mobiles, des contrôleurs de charge, de l’eau déminéralisée, etc. comme soutien initial de Friendship. En tant que nouveau PST, Yousuf a pu commencer à installer, entretenir ou réparer des systèmes solaires domestiques (SHS) dans sa localité.

Très rapidement, Yousuf a loué un local à Hajipur Bazar et a ouvert son propre atelier de réparation, y vendant aussi divers articles comme les ampoules LED, les torches, les contrôleurs de charge, l’eau déminéralisée, les services mobiles, etc. Il s’est fait un nom en tant que technicien, et les gens des environs du village ont commencé à avoir recours à ses services d’entretien solaire ou électrique, et il a réussi à gagner un revenu appréciable. Outre l’installation et l’entretien des SHS, Friendship lui a conseillé de se diversifier et de vendre également des graines de légumes dans son magasin. Grâce à cela, il peut gagner jusqu’à 15 000 taka (150 €) par mois en moyenne, une somme importante pour une personne originaire d’une communauté rurale pauvre.

C’est ainsi qu’il a réussi à redresser la situation pour lui et sa famille, qui possède désormais quatre vaches et deux chèvres. Il a même commencé à cultiver divers légumes sur son terrain et à pêcher dans son étang, ce qui a encore augmenté ses revenus. Yousuf est extrêmement reconnaissant envers Friendship et aimerait approfondir son expertise en demandant la coopération de Friendship pour une formation avancée sur les services mobiles, et pour un soutien financier sous forme de prêt pour développer sa micro-entreprise. Yousuf est maintenant heureux dans son ménage et ses filles peuvent aller à l’école.

Ainsi la Fondation ENGIE a contribué à transformer la vie de plus de 515 000 habitants/bénéficiaires :

En apportant de l’électricité (issue des énergies renouvelables) dans les régions les plus inacces- sibles au Bangladesh : Gaibandha, Kurigram, Mymensingh, Satkhira, Patuakhali.
– En introduisant des systèmes solaires domestiques de qualité et abordables pour ces communautés reculées.
– En garantissant la sécurité et même en protégeant la vie.
– En leur offrant des revenus, des moyens de susbsitance (plus d’heures productives et de sources
de revenus), un accès à des téléphones et des tablettes à recharger.
– En accompagnant Friendship dans des programmes de formation pour les Para-Solar Technicians (PST).
– En construisant un village solaire pilote avec les volontaires d’Energy Assistance France (ONG interne au Groupe ENGIE), des PST et les Equipes de Friendship.

Plus de 515 000 bénéficiaires, 10 ans d'action