"Les enfants en situation d’extrême précarité ont aussi droit à des parenthèses enchantées" - Christine Laconde

Interview

Son diplôme de l’ENA en poche, Christine Laconde délaisse les « grands corps » les plus prisés pour consacrer sa carrière à la lutte contre la grande exclusion. Question de conviction et d’engagement. Depuis 2013, elle dirige le Samu Social de Paris, avec un étonnant mélange de vision et de pragmatisme, de générosité et de réalisme.

Vous connaissez bien le monde de la grande exclusion. Quels changements avez-vous constatés sur ces dernières années ?
On assiste à un double phénomène de massification et de diversification. À l’échelle de l’agglomération parisienne, l’INSEE indique ainsi que le nombre de SDF a été multiplié par deux en dix ans. Mais contrairement au passé, la population n’est plus du tout homogène. Si la majorité des SDF était auparavant des hommes seuls – ceux qu’on avait coutume d’appeler des « clochards » – nous avons aujourd’hui affaire à des migrants, des mineurs isolés, des familles, des grands exclus vieillissants. Et cela complique singulièrement notre action, car on ne répond pas de la même façon aux besoins d’un mineur venu d’Afrique par l’enfer de la Libye qu’à ceux d’un SDF atteint d’une pathologie mentale.

Et les enfants ?

Aujourd’hui, le Samu Social de Paris loge chaque soir près de 12 000 familles dans des hôtels, dont plus de 15 000 mineurs. C’est l’équivalent d’une ville comme Nevers. Bien sûr, les familles sont mieux là qu’à la rue, mais c’est tout de même très rude. Prenez les adolescents, comment voulez-vous qu’ils s’épanouissent correctement à quatre dans 12 mètres carrés, sans accès au Wifi, sachant de plus que la situation n’est souvent pas transitoire. 44 % des familles sont logées dans les hôtels depuis plus de deux ans. Dans ce contexte, il est urgent d’offrir aux enfants des parenthèses enchantées, de leur faire vivre d’autres expériences. Nous les emmenons de temps à autre voir un match de foot ou une exposition – parfois grâce au réseau de la Fondation ENGIE : ce n’est bien sûr pas suffisant, mais c’est indispensable.

857

familles dans 23 hôtels sociaux

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ateliers de prévention

Pouvez-vous nous parler du projet BEEP (Bus Espace Enfants Parents), monté avec la Fondation ENGIE ?
L’objectif de ce projet est de faire le tour des hôtels sociaux en Île-de France, à l’aide d’un véhicule transformé en mini espace d’accueil pour les familles. À bord, deux infirmières rencontrent les familles, identifient les carences et maladies et proposent des ateliers de prévention santé. Au total, près de 70 % des familles logeant dans les hôtels visités ont échangé avec les infirmières. C’est un beau succès, que l’on doit aussi au tempérament et à l’énergie incroyable des infirmières. Ce sont des routardes de l’humanitaire, rien ne leur fait peur ! Aujourd’hui, nous souhaitons démultiplier l’impact de ce programme en mettant en place des relais de médiation avec l’aide de familles volontaires au sein des hôtels.

La situation est rude mais vous conservez une sacrée dose d’optimiste. Pourquoi ?
La grande exclusion, c’est à la fois un puits sans fond et un gisement de progrès sans fin. Tout reste à inventer. Tant que nous réussissons à sensibiliser les pouvoirs publics, les entreprises, les citoyens, il reste de l’espoir ! Je pense notamment que le partenariat entre les entreprises et le monde associatif permet d’innover pour mieux lutter contre la grande pauvreté. Je le constate année après année avec la Fondation ENGIE, qui nous apporte beaucoup plus que de l’argent, en nous donnant la possibilité d’être audacieux et de tester des dispositifs nouveaux.

« La Fondation ENGIE nous donne la possibilité d’être audacieux et de tester des dispositifs nouveaux »


"Au Cambodge, il y a un lien direct entre l’éducation et l’énergie" - Ghislaine Dufour

Interview

« Saisie aux tripes » : ce sont les mots utilisés par Ghislaine Dufour quand elle évoque sa découverte du Cambodge, en 2003, lors d’un séjour comme expatriée. Depuis, elle met son énergie, son expertise et son courage au service de l’association Pour un Sourire d’Enfant qui vient en aide aux enfants en situation d’extrême pauvreté dans le pays.

Pourquoi cette fidélité à l’association Pour un Sourire d’Enfant ?
J’apprécie le modèle de l’ONG, bien pensé, intelligent, global, rigoureux, qui s’appuie sur un vaste réseau de bénévoles en France et à l’étranger. Bien sûr, mon attachement au Cambodge entre aussi en ligne de compte. Le pays est meurtri. En trente ans de guerre, dont quatre sous le régime Khmer rouge, il a vu mourir un quart de sa population, les intellectuels et les enseignants en premier lieu. Aujourd’hui il subsiste toujours un fort déficit en enseignants qualifiés et trop d’enfants grandissent sans aller à l’école. Il m’est impossible de rester indifférente, c’est tout. Et quand je vois que l’association a déjà permis à plus de 4 5 00 enfants d’obtenir un diplôme et de trouver un emploi, j’ai simplement envie de continuer.

Comment travaillez-vous avec la Fondation ENGIE ?
Au Cambodge, il y a un lien direct entre énergie et éducation. Le coût de l’électricité est l’un des plus élevés au monde. Aider les enfants et leur famille à avoir accès à la lumière, en restant dans des budgets maîtrisés, est donc crucial. Dans ce contexte, la Fondation nous a apporté une aide extrêmement précieuse au travers du financement de l’installation d’un générateur photovoltaïque de 30kWp sur les toits de notre nouvelle école de gestion à Phnom Penh. Ce partenariat nous permet d’économiser 12 000 dollars par an sur la facture d’électricité.
Au-delà de l’aspect purement financier, la Fondation est également très impliquée dans la mise en œuvre de notre projet pédagogique, notamment sur le volet essentiel de la protection de l’environnement.

4500

enfants bénéficiaires

12000

dollars économisés par an sur la facture d’électricité

Quels sont les principaux défis auxquels le Cambodge doit faire face ?
Ils ressemblent aux défis auxquels sont confrontés la majorité des pays émergents en Asie du Sud-Est. Forte croissance démographique sans système éducatif adapté, dérèglements climatiques, naissance d’une nouvelle criminalité liée aux trafics en tous genres… : pour faire face à ces défis, il est indispensable de mettre en place un dispositif d’aide cohérent, global, inscrit dans la durée. La prévention contre la criminalité se fait via l’éducation, l’éducation est liée à l’énergie… Tout devient de plus en plus étroitement imbriqué et interconnecté. La Fondation ENGIE l’a bien compris et c’est aussi pour cette raison que notre partenariat est précieux.


"Aujourd’hui les cardiologues africains opèrent les enfants sur place" - Alain Deloche

Interview

Sauver des enfants atteints de cardiopathies graves, c’est le combat mené par Alain Deloche au sein de la Chaîne de l’Espoir. De Kaboul à Dakar, il observe les changements à l’œuvre en matière d’aide humanitaire. Pour lui, une chose est sûre : les « French doctors » appartiennent au passé ! Aujourd’hui, c’est sur place qu’il faut soigner, avec des médecins et personnels locaux. La Fondation ENGIE est là pour accompagner le mouvement.

Comment avez-vous rencontré la Fondation ENGIE ?
Tout a commencé à Kaboul en 2010. La Chaîne de l’Espoir avait construit là son premier « Pavillon des Enfants », un centre destiné au traitement post-opératoire d’enfants. À l’époque, c’est la Fondation Bernadette Chirac qui avait apporté l’essentiel du soutien. Et c’est d’ailleurs grâce à Ma dame Chirac que nous avons rencontré la Fondation ENGIE et Gérard Mestrallet. Suite à cette rencontre, je suis très rapidement devenu membre du Conseil d’Administration de la Fondation.

Que vous apporte cette collaboration ?
J’apprécie la cohérence de la vision et des actions de la Fondation. Le jury ne dévie pas de sa ligne en continuant, année après année, à accorder une place essentielle à la protection de l’enfance. Les thématiques se sont affinées – avec Martine Brousse de La Voix De L’Enfant, nous avons ainsi milité pour que la dimension santé soit introduite –, mais la philosophie reste la même. Par ailleurs, la Fondation arrive à créer des dynamiques ambitieuses de projet en associant des partenaires qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble.

500

enfants accueillis par an dans le Pavillon des Enfants à Dakar

Si vous deviez citer un changement marquant intervenu en matière d’aide humanitaire ?
Les French doctors appartiennent désormais au passé ; ce sont les médecins locaux qui prennent le relais. En Afrique, par exemple, le nombre de médecins généralistes formés est de plus en plus important. Ils souhaitent de moins en moins exercer en Europe ou aux États-Unis et demandent juste à avoir les moyens de soigner chez eux. « Aidez-nous à rester, aidez-nous à devenir des spécialistes », c’est leur message aujourd’hui. Quand La Chaîne de l’Espoir forme des médecins cardiologues au Tchad, au Mali ou au Sénégal, je ressens une très grande fierté.

Et la technologie ?
Bien sûr, Internet, les mobiles et la technologie ont transformé la pratique de l’humanitaire. Dans certains villages en Afrique, il n’y a pas d’électricité, mais il y a de quoi recharger son portable. Grâce à Internet, les familles dans les villages les plus déshérités savent maintenant où nous trouver pour faire opérer leurs enfants atteints de malformation cardiaque.

Autre exemple, l’arrivée des échographes miniatures. Il y a encore dix ans, les échographes, indispensables pour toute opération cardiaque, étaient encore des « monstres », intransportables et inabordables. Il n’était donc tout simplement pas possible d’opérer sur place. Aujourd’hui, équipés de machines de nouvelle génération, les cardiologues africains peuvent intervenir directement au plus près de leurs malades.